Environnement : sortons de la myopie

Tribune parue dans Les Echos sur la souveraineté environnementale, à retrouver en intégralité ici. Il ne ‘agit pas de définir un nouvel oxymore, mais de concilier les besoins d’un territoire, avec notre maison commune.

Réforme constitutionnelle , loi Climat , réforme du droit pénal, plan de relance, « green deal », COP26 : l’année 2021 s’annonce particulièrement riche en initiatives pour la protection de l’environnement.

Chaque réglementation nouvelle en ce sens ravit les pourfendeurs des pollueurs, c’est bien naturel. L’avocat, lui, reste toujours prudent, préférant d’abord analyser les impacts réels des nouveaux textes plutôt que d’applaudir leurs bénéfices supposés. Il ne suffit pas d’être animé d’intentions louables pour être efficace. Selon Montesquieu, « les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires ».

 

Risque de l’immobilisme

La réforme de la Constitution peut ainsi sembler intéressante pour renforcer la protection de l’environnement et la poser comme socle de la politique d’un pays. Attention toutefois aux termes employés. Dans le projet actuel, on préciserait à l’article 1 er que la France « garantit la préservation de la biodiversité et de l’environnement et lutte contre le changement climatique ». Cette phrase n’est pas anodine : le Conseil d’Etat, dans son avis du 14 janvier 2021, considère qu’elle emporterait une obligation de résultat pour la France et engagerait son action nationale et internationale. Ainsi (et alors que la protection de l’environnement occupe déjà la plus haute place dans la hiérarchie des normes) la réforme constitutionnelle dans sa forme actuelle lierait les mains de l’Etat. Ce serait garantir l’immobilisme de l’action publique.

La réforme du droit pénal de l’environnement ambitionne de créer  un délit d’écocide , un délit général de pollution et un délit de mise en danger de l’environnement. On comprend bien sûr la nécessité de poursuivre les pollueurs, mais le droit de l’environnement ne recense-t-il pas déjà un grand nombre d’infractions lourdement sanctionnées ? Ce nouveau signal ne va-t-il pas surtout figer l’initiative privée par la crainte d’être exposé à des sanctions en toutes circonstances ?

 

Vision holistique

Est-ce à dire qu’il ne faut rien faire ? Non, bien sûr. Toutefois, sachons sortir de la myopie dans laquelle la protection de l’environnement risque de s’enfermer. Comme souvent, d’autant plus depuis la crise sanitaire, nous réfléchissons en silo : industriel, alimentaire, énergétique, technologique… Il serait dommage de leur adjoindre un silo environnemental, plutôt que poser un diagnostic global.

Sortons d’une vision tronquée et réductrice de l’environnement pour adopter une vision holistique. L’environnement ne se limite pas à la question de la pollution ou à celle de la biodiversité, aussi fondamentales soient-elles : l’environnement désigne littéralement tout ce qui nous entoure, notre cadre de vie.

L’année 2020 a marqué le retour en grâce de la notion de souveraineté. Pourquoi ne pas associer souveraineté et environnement au sens large ? Axée autour de la notion de développement durable (et de ses trois piliers : social, environnemental et économique), la souveraineté environnementale permettrait de poser un cadre global aux réflexions écologiques. Si les préoccupations sont internationales et sur le long terme, les réponses sont d’abord territoriales et, idéalement, immédiates.

 

Souveraineté environnementale

Oublier l’un des trois piliers du développement durable revient à déséquilibrer toute la structure de notre société. Ainsi, pour répondre à ces enjeux, l’objectif doit être clair : construire un cadre de vie vertueux et respectueux qui assure à chacun et à chaque Etat un développement autonome, sain et pérenne. La souveraineté environnementale permet de mieux appréhender les objectifs du développement durable ; tout pourrait en découler. C’est pourquoi nous proposons avec l’Institut Sapiens une vision intégrale de l’environnement : la souveraineté environnementale engloberait aussi bien la notion de développement durable que les autres visions de la souveraineté. Il s’agit de concilier les besoins d’un territoire avec les capacités de notre maison commune.

Sylvain Pelletreau  est avocat spécialisé en droit de l’environnement et directeur de l’observatoire du développement durable de l’Institut Sapiens.