L’environnement dans la Constitution : la finitude des bonnes ideés de Nicolas Hulot

Il est beau, il est médiatique, il était la grosse prise du gouvernement et au final ? Au final, il a globalement perdu tous ses arbitrages et tente une nouvelle fois d’exister politiquement entre glyphosate et autres centrales nucléaires.

La dernière trouvaille de Nicolas Hulot consiste donc à modifier l’article 1er de la Constitution française pour y insérer environnement, climat, biodiversité et finitude des ressources : «Personnellement, je souhaite qu’environnement, climat et biodiversité y figurent, que la finitude des ressources également y figure» (déclaration du 20 juin 2018).

 

Sur l’inventaire à la Prévert de Monsieur Hulot

Si l’on ne peut que saluer l’idée de placer la protection de notre maison commune au sommet de nos préoccupations, la manière de s’y prendre interpelle quelque peu. En effet, initialement, l’économie s’entendait littéralement de la bonne gestion de sa maison et donc des ressources naturelles ; il y a donc lieu de rappeler avec constance que sans maison commune, l’homme ne survivrait pas.

En revanche, on s’étonnera en premier lieu des termes choisis par le Ministre de l’environnement pour modifier la Constitution : environnement, climat, biodiversité, finitude des ressources.

Certes, chacun de ces items est important, mais par principe, on doit se méfier des inventaires à la Prévert qui, par définition, ne peuvent pas tout englober et donc excluent ce qui n’est pas expressément nommé.

Ainsi par exemple, quelle place pour les énergies, les pollutions ou les déchets dans l’inventaire proposé par Monsieur Hulot ?

A cet inventaire, il serait probablement préférable de substituer une notion plus globale qui aurait une place plus évidente dans la Constitution : celle de développement durable.

Issue du Rapport Brundtland de 1987, la notion de développement durable s’entend comme le fait de permettre à l’Homme d’utiliser les ressources naturelles librement, à condition de ne pas compromettre les besoins des générations futures.

Cette notion de développement durable est tridimensionnelle : économique, sociale et environnementale.

L’OCDE ajoute que le développement durable est par nature interconnecté : d’où la nécessité de s’affranchir des frontières géographiques ou institutionnelles, pour coordonner les stratégies et prendre les bonnes décisions.

Le développement durable nécessite donc que nous prenions en compte simultanément les trois piliers économique, social et environnemental. Ce serait dommage de se limiter au climat ou à la finitude des ressources…

 

Sur la finitude des ressources

Dans un premier temps, on aurait pu se demander si Monsieur Hulot n’avait pas emprunté le champ lexical d’une émérite femme politique qui appréciait la bravitude. Mais non, le mot existe bien et il désigne le fait que quelque chose soit fini ou limité.

Dont acte, le ministre a du vocabulaire.

Cela étant, l’emploi d’un tel mot est en réalité porteur de morgue et traduit un contresens fondamental.

Il est d’abord porteur de morgue en ce sens que la nature « finie » démontrerait qu’il n’y a plus rien à faire : nous aurions un patrimoine de ressources donné qu’il n’est pas possible de faire grandir. En d’autres termes, quand nous aurons tout consommé, nous n’aurons plus rien. C’est un peu une condamnation à mort par anticipation.

L’emploi de ce mot est ensuite un contresens fondamental : la ressource n’est pas finie ou douée de finitude ; elle a simplement une capacité à se renouveler (plus ou moins lente) qu’il est indispensable de prendre en compte.

En ce sens, l’Homme a effectivement une grande responsabilité : il lui revient de déterminer si il laisse à la nature le temps nécessaire pour se renouveler avant de ponctionner de nouveau ses ressources.

C’est par exemple ce que font les chasseurs quant ils évaluent les populations d’espèces et leur capacité de reproduction, avant de déterminer pertinemment la possibilité de prélèvement.

Une fois encore, on ne soulignera jamais assez la responsabilité fondamentale de l’Homme dans la gestion de la ressource.

C’est ainsi que la notion de développement durable est bien plus pertinente lorsqu’on envisage de renforcer la protection de l’environnement, notamment dans la Constitution.

Cette notion est beaucoup plus globalisante et optimiste que les quatre items (environnement, climat, biodiversité et finitude de la ressource) cités par Monsieur Hulot.

 

Sur la prise en compte de l’environnement dans la Constitution

Enfin, on soulignera que la protection de l’environnement est loin d’être ignorée de la Constitution qui prévoit déjà à son article 34 que « la loi fixe les règles concernant de la préservation de l’environnement ».

Par ailleurs, la Charte de l’environnement a été reconnue comme ayant valeur constitutionnelle en 2005. Or, son article 6 prévoit expressément que « les politiques publiques doivent promouvoir un développement durable. »

A ce stade donc, on s’interroge sur l’utilité de la modification de l’article 1 de la Constitution voulue par Monsieur Hulot.

En effet, on rappellera que la Constitution du 4 octobre 1958 est le texte fondateur de la Ve République qui organise les pouvoirs publics et définit leur rôle et leurs relations.

On comprend alors mal la place de l’environnement, du climat, de la biodiversité et de la finitude des ressources dans un texte dont l’objet est d’organiser les pouvoirs publics. La Charte de l’environnement, texte distinct, mais à valeur constitutionnelle, ne suffisait-elle pas ? Rappelons que l’article préambule de la Constitution renvoie directement à la Charte de l’environnement.

Au final, si nous ne pouvons que comprendre la difficulté à exister politiquement dans le gouvernement actuel, nous ne pouvons que regretter que la Constitution devienne un outil de marketing pour tel ou tel ministre.

A tout le moins, faudrait-il le faire avec des notions plus globalisantes telles que le développement durable, plutôt qu’avec un inventaire limitatif de quatre items.

Homme politique, c’est un métier…